L'asile de la ville au début du siècle dernier.
L'asile de la ville au début du siècle dernier. PHOTO/© D.R
En étudiant le sort des réfugiés espagnols, le Dr Marie-Hélène Mélendez a découvert un épisode tragique, survenu entre 1940 et 1944, à l'hôpital psychiatrique de Limoux.
Dans les annés 1940, le temps des restrictions dans la France de Vichy s'est traduit, dans l'institution psychiatrique de Limoux, par une véritable famine qui va être fatale pour près de 540 malades mentaux". En juillet 2011, lors d'un congrès d'Histoire qui s'était tenu à Barcelone, le Dr Marie-Hélène Mélendez avait publié un article consacré à cet épisode assez peu connu de l'Occupation : la famine qui a touché les asiles. Famine qui avait provoqué la mort de milliers d'internés dont les 540 de Limoux. Mais depuis quelques années, ce chapitre honteux de l'État Français (dirigé par le maréchal Pétain) sort timidement de l'ombre. Grâce, notamment, à l'historienne Isabelle Von Bueltzingsloewen, auteure de "L'hécatombe des fous" et de "Morts d'inanition" (ouvrage collectif), ou encore Giordana Charuty, qui a rédigé un essai sur l'asile de Limoux. Dans son article de conférence, le Dr Mélendez cite ces deux auteures. A propos de G.Charuty : "Les décès sont si nombreux que la mémoire de la population de Limoux, dans les années 1980, conserve encore vivant le souvenir des allées et venues quotidiennes du curé entre l'asile et le cimetière". Au regard des chiffres, le mot hécatombe est en effet celui qui convient : de 1600 malades interné à Limoux en 1940, ils ne sont plus que 1016 en 1943. Et 918 en 1944...
Enfermement et psychose
"A l'origine, mon enquête concernait le sort des réfugiés espagnols dans l'Aude, en 1939, et les syndromes psychotraumatiques dont ils étaient victimes en raison des événements tragiques qu'ils avaient subis : la guerre civile, l'exode... Et en France, leur internement dans des camps avait entraîné des psychoses au point que certaines réfugiés furent internés à l'asile de Limoux". Et c'est en compulsant les documents qu'elle a découvert ces morts par inanition suite au problème de sous-alimentation : "Je pense qu'il ne s'agit pas d'une volonté délibérée d'extermination ; on ne peut pas parler de génocide. En revanche, il y a eu de la négligence". Marguerite, la mère supérieure (l'asile est alors dirigé par les sœurs d'une congrégation), est impuissante face au problème. Les médecins de l'asile, et les responsables de l'administration de l'institution, "dénoncent régulièrement cette situation à l'autorité préfectorale".
Le choix du sous-préfet
Mais leur cri d'alarme "ne sera cependant pas entendu par les autorités", écrit le Dr Mélendez : "Le sous-préfet persiste, en juin 1943, à ne pas prendre en compte les carences alimentaires dont sont victimes les malades en traitement à l'hôpital psychiatrique". Motif ? Le représentant de l'État répond qu'il n'est pas envisageable d'accorder un supplément à ces malades à un moment où "la population saine et les jeunes enfants, avenir de la France, sont eux-mêmes sous-alimentés". Le Dr Mélendez conclut : "Aux yeux des autorités, le survie des hôtes de l'asile, une population sans aucune utilité sociale, ne méritait pas plus de considération". Une négligence sur fond de dédain...